vendredi 8 mai 2009

AmL38 : Potosí

Vendredi 08 mai :

Ce matin, nous quittons Uyuni à 10h dans un petit bus local aux pneus bien mous. Nous retrouvons tout notre petit groupe de la traversée du salar...
Direction la célèbre ville de Potosí qui, avec ses 4067m d'altitude, est la troisième ville la plus haute du monde (derrière Wenzhuan en Chine (5100 m), et Cerro de Pasco au Pérou (4384 m)). Elle a été classée au patrimoine mondial par l'UNESCO en 1987.
On arrive à Potosí vers 16h. Nous quittons nos amis italiens qui hésitent à continuer directement sur Sucre...
Avec Joëlle et Philippe, on partage un taxi qui nous emmène au centre pour 16 pesos (1,6 euros!!)...apparement, c'est une voiture importée d'Angleterre (ou Philippe en moniteur d'auto-école)!!
Notre petite pension avec son patio (ici, toutes les maisons ont le leur...) :
Une petite balade dans la ville qui est charmante avec ses rues pavées, ses vieilles batisses coloniales toutes tordues... La ville est en face de la montagne la plus précieuse du monde : Sumaq Orqo, en quechua, ou Cerro Rico en castellan. Cette montagne abrite la plus grande mine d'argent du monde et a été exploitée dès 1545 par les espagnols (date de la création de la ville). Potosí, village minier au départ a très rapidement pris de l'ampleur jusqu'à être nommée ville impériale en 1561. En 1625, sa population atteignait les 160 000 habitants soit autant que Séville et plus que Paris et Londres...



Le clocher de la cathédrale, située sur la place centrale de Potosí :

El mirador :





El cerro rico (la "montagne riche"):

La montagne ne fait actuellement plus que 4800m (elle aurait perdu presque 250m depuis le début de son exploitation!)




Tout ne date pas de 1545 quand même...



Au début du XVIIème siècle, Potosi abritait 36 églises aux décors somptueux, autant de maisons de jeux et 16 écoles de danses...



Ce soir, Philippe et Joelle nous invitent au restaurant. On passe ensemble une très bonne soirée (entre amateurs de pisco sour!! Et oui, finalement la boisson a franchi comme nous les frontières du Chili!!!)

Samedi 09 mai :

Ce matin, nous avons RDV pour l'incontournable visite des mines de Potosí, qui sont encore en activité. Ambiance "Germinal du 21ème siècle". Notre guide francophone est très intéressant.
Nous commençons par la visite du marché aux mineurs où la dynamite est en vente libre (baton de TNT + détonateur pour 15 pesos soit 1,50 euros!!)...avis aux terroristes en herbe !


La très controversée feuille de coca :

Elle joue un rôle important dans la mine, car elle aide les mineurs à supporter les conditions et horaires difficiles de travail... Elle avait d'abord été interdite par l'Eglise...puis réintroduite par les propétaires des mines lorsqu'ils s'étaient aperçus qu'elle augmentait le rendement des mineurs. Finalement, elle fut pendant longtemps une monnaie dans la mine du fait de son importance... Aujourd'hui, en braves touristes, nous en achetons chacun un sachet à offrir aux mineurs que nous rencontrerons au cours de la visite...

Ici, les adjuvants que les consommateurs rajoutent à leur mixture de feuilles pour faciliter la libération de la cocaïne :

En plus d'augmenter la tolérance au travail, la coca améliore l'adaptation à la vie en altitude (en stimulant les centres respiratoires). Et c'est surtout un élément important de la culture bolivienne (d'après une étude récente presque 85% de la population serait consommatrice!). Pour notre part, on l'a juste essayée en thé car machouiller une centaine de feuilles, la bouche déformée et en bavant vert ne nous a pas trop tenté pour l'instant...

Après le marché, les choses sérieuses commencent et on revêt nos tenues de mineurs :

Non, ce n'est pas une bricole-girl !!
La montagne est actuellement exploitée par 36 "coopératives" qui ont chacune leur portion du cerro... Chaque "coopérative" est en fait dirigée par un patron (le plus souvent ancien mineur) qui emploie des mineurs payés à la journée.
Chaque entrée de mine est gardée par un gardien qui vit sur place avec ses enfants...

...la play-station bolivienne...

Voici l'entrée de la mine que nous allons visiter (ca fait envie, non?) :

Les tuyaux amènent de l'air comprimé et de l'eau pour les marteaux piqueurs (faudrait pas que ça nous pète à la gueule tout ça!)...

Les maisons des gardiens :
Sortie d'un chariot plein :



Allez, on rentre... On se plie un peu en deux et on espère que l'écroulement de ce boyau douteux ne sera pas pour aujourd'hui... L'année dernière, il y a eu 50 morts dans la mine soit presque un par semaine... Et depuis le début de l'exploitation , on estime à 6 millions le nombre d'indiens (aymaras et quechuas) et d'africains morts dans la mine, un vrai génocide..

Actuellement, environ 10 000 mineurs travaillent dans cet immense gruyère contre 15 000 il y a 3 mois (baisse à cause de la chute du cours des minerais en raison de la crise...)

Les petites plumes au plafond, c'est de l'amiante!!!

C'est d'la dynamite!!! (à lire avec l'accent suisse s'vous plait!)

Quand on vous dit que c'est un gruyère!!!
Ici presque tout le travail est fait à la main : burins, marteaux, pelles, brouettes... Impressionnant... Surtout qu'avec cette chaleur, on arrive à peine à se mouvoir...


un filon...

Nous rencontrons nos deux premiers mineurs : le papa de 62 ans, soit le Jeanne Calmant de la mine (car l'espérance de vie des mineurs est seulement de 52 ans à cause des accidents et de la silicose), et son fils.

Il prépare des trous pour la dynamite...

Du sulfate de cuivre (joli, mais complètement inutile pour les mineurs...) :

Puis nous rencontrons un étudiant en dentisterie qui profite de ses vacances pour gagner un peu d'argent à la mine et connaître ce milieu...

Il fait chaud, humide dans les galeries, il n'y a aucune aération, et les mineurs travaillent souvent presque 10h d'affilée... Surtout qu'aujourd'hui, nous visitons une mine présentable (séléctionnée pour les touristes!), il faut imaginer que la plupart des galeries sont beaucoup plus basses de plafond et empoussierées... Les conditions de travail restent très précaires...



Non non, ça ressemble à de l'or, mais ça n'en est pas... La mine n'en a jamais contenu, seulement de l'argent, du zinc, de l'étain... C'est d'ailleurs l'étain qui permet aujourd'hui à la mine d'être encore rentable.

La visite se termine auprès du "Tío", mi dieu, mi démon, personnalité instaurée par les espagnols pour s'assurer du travail des esclaves indiens et leur faire peur : comme les espagnols ne rentraient pas dans la mine, c'est Tío qui surveillait leur travail...


Aujourd'hui, la croyance est restée et tous les premiers vendredi du mois, les mineurs suivent un rituel d'offrande pour que Tío les protège et les aide à trouver de bons filons... Une fois par an, on offre aussi à la Pachamama (la Terre Mère) du sang de lama pour éviter qu'elle ne prenne des vies humaines en échange des minerais qui lui sont arrachés...
Nous allons ensuite visiter une usine d'extraction des minerais...


"Interdit d'aller bourré au travail". Donc si on est limite bourré, on peut aller bosser...

Pas trop d'explications à vous donner sur cette partie là, car on n'entendait absolument rien à cause du bruit des machines!!! La seule chose qu'on a retenu, c'est que ces entreprises privées, sont indépendantes des coopératives de mineurs et leur achètent les camions de produit brut qui sortent de la mine. Le prix est fixé par rapport à la valeur d'un échantillon...


Actuellement, la mine marche au ralenti. Elle a connue son apogée en 1650.
Durant près de 60 ans, les Espagnols ont extrait de la montagne une quantité d'argent hallucinante. Encore aujourd'hui, l'expression "vale un Potosí" (« cela vaut un Potosí », citation de Miguel de Cervantes dans Don Quichotte) s'emploie en espagnol à peu près avec le même sens que l'expression française « c'est le Pérou », dont l'origine historique est la même. L'argent récupéré par les espagnols dans la mine de Potosí (représentant l'équivalent de 50 milliards de dollars) serait à la base du capitalisme en europe (et l'Espagne n'est pas le pays qui s'est le plus enrichi car elle s'est ruinée pour entretenir ses colonies)...
L'argent était extrait par le travail forcé des Indiens, institué parFrancisco de Toledo au travers d'une transformation de l'institution incaïque de la mita. Les conditions étaient abominables...
Après 1800, l'argent se fait rare et la ville entame son déclin économique...

Aujourd'hui, la ville a repris vie grâce à l'exploitation de l'étain.
En marchant dans ses ruelles, chaque batisse est témoin de sa splendeur passée...




Petit tour au marché (tout à fait HACCP tout ça !!) :

Dimanche 10 mai :

Ce matin, nous visitons la Casa de la Moneda. L'édifice date du XVIIIème siècle, et c'est là que l'on frappa la monaie jusqu'en 1909.




Cette toile montre bien les contrastes de l'histoire de Potosí : la mine (robe de la Vierge), la religion catholique, et les croyances indiennes en la Pachamama, le soleil et la lune...

Voici les machines mues par des mules (et des esclaves) qui frappaient la monnaie jusqu'en 1869 avant d'être remplacées par des machines à vapeur...



Les premières pièces étaient juste des morceaux d'argent et étaient rognées par les fraudeurs (Flo et Caco?)...


Un lingot d'argent retrouvé dans une épave aux antilles :

Et les pièces un peu plus récentes (plus dur de frauder!!) :


Salle du RDC d'où les mules activaient la machinerie :

Ce qui est assez marrant c'est qu'à l'époque, la monnaie frappée en Bolivie était expédiée en Europe, et aujourd'hui, la monnaie bolivienne est imprimée à l'étranger (en Bretagne pour les billets!) pour des raisons de coûts.





Dans l'après-midi, nous continuons les visites avec le Couvent Santa Teresa :

C'est un couvent carmélite construit entre 1685 et 1692. Le couvent accueillait la deuxième fille des familles les plus riches de Potosí à l'âge de 15 ans. La selection était rude car seules 21 religieuses pouvaient vivre dans le couvent (plus 21 religieuses domestiques). Du coup, la dot des nouvelles venues étaient hallucinante, le plus souvent en oeuvres d'art, qui a l'époque étaient enfermées et cachées mais sont maintenant exposées dans le musée...
Santa Rosa de Lima (1586-1617), la première Sainte d'Amérique.

La salle des visites...bonne ambiance!

A l'époque le couvent était composé de 16 patios dont la plupart ont été vendus, il en reste aujourd'hui trois seulement qui accueillent les dix religieuses et le musée.

Miroir en argent :

Tous les ornements sont dorés à la feuille d'or...



Un tableau de la Sainte Cène typiquement sud-américain : un hamster remplace l'agneau pascal! Et oui, le plat de fête à l'époque dans la région, c'était le hamster...




Une visite étonnante qui nous a beaucoup appris sur le mode de vie à la "grande époque" de Potosí... Depuis 1975, la règle de vie des carmélites de ce couvent s'est beaucoup adoucie, heureusement...

Ce soir, nous partons pour Sucre, en taxi s'il vous plait!!! Et oui, le taxi collectif pour Sucre à 3h de route coûte seulement 4 euros par personne!!!

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